A la recherche du grenat de bohème

La Tchéquie a une notoriété depuis la préhistoire pour y trouver des pierres (quartz, agate, jaspe, saphir, grenat) mais aussi de l'or et de l'argent.

Le grenat est l'une des gemmes la plus anciennement connue. II était déjà utilisé dans l'ancien temps pour créer des objets décoratifs et liturgiques. On  trouve une trace écrite dans le texte du philosophe grec Theophrastus ( 372-287avJC).

Le grenat de bohème connait un épanouissement durant le seconde moitié du 16eme siècle sous l'impulsion de l'empereur Rodolphe II. Il était un amoureux de cette pierre rouge sang. Son exportation à l'état brut a été interdite en 1762 pour étatiser l'exploitation et le traitement. Il est ainsi devenu l'emblème du pays, officiellement reconnu, par l'exposition universelle de Bruxelles de 1958.

Mon escapade commence à Prague. Ville éminemment touristique , dotée de nombreuses églises côtoyant différents styles architecturaux à la fois gothiques, baroques et contemporains , sans oublier bien sur son fameux pont, le pont « Charles » sur la Vitava, reliant l’ancienne ville à la nouvelle. La ville expose ses bijouteries, grenat sur or ou sur argent, avec fierté et abondance. On y  trouve aussi de l'ambre et de la moldavite.

Ce point de départ me permettra de confirmer les informations glanées sur internet.

Il me faut maintenant me rendre sur un site d’exploitation afin de combler ma curiosité de gemmologue. Je prends donc la route aux aurores pour Trebenice. Cette petite ville  propose un très joli petit musée, une église reconvertie sur l'histoire du grenat .

C'est avec un plaisir non dissimulé doublé d’une grande curiosité et une certaine appréhension que sur un terrain vallonné, je poursuis mon chemin au travers de champs jaunes, de colza en croissance.

De bonne heure, j’arrive dans le village de Podsedice, encore un peu  endormi . Seulement trois petites filles sur le chemin de l'école animent  la rue principale. J'ai droit à des petits regards suspects et interrogatifs. Qui est cet étranger marchant d'un pas si pressé ?

Les quelques deniers mètres qui me séparent  de la mine se font  au bord d'une nationale. Camions et voitures se croisent à vive allure en cette heure matinale.

Il est 8h30 lorsque j'arrive devant les grilles ouvertes.

Dans un premier temps j'observe. D’un regard circulaire, je juge la situation. A gauche des locaux, à droite un hangar et devant un grand monticule de terre, objet de ma curiosité. Un camion au sommet déverse son chargement.

Lorsque deux hommes passent devant l'entrée je saisis l'occasion pour traverser la route, avec prudence, et engager la conversation. Elle s'avère délicate à cause de la langue. Je ne parle pas tchèque et eux, pas le français ni très bien l'anglais. Nous arrivons malgré tout, à nous comprendre pour arriver à mon but :   visiter les installations !

Mais voilà que la situation se corse un peu. Il me demande un laisser passer délivré par le siège de la société situé à cent kilomètres d'ici que je n'ai pas.

J’ai la chance de tomber sur un employé entreprenant et interloqué par ma curiosité. Il me conduit dans les bureaux.  Je me présente et expose mes intentions, avec l'aide de mon téléphone comme traducteur. Me voyant décidé à visiter sa mine, Il prend quelques minutes pour en parler avec le responsable qui donnera son accord. Avant de quitter les bureaux il me montre sur une table des flacons qui contiennent les pierres familières des gisements de grenat: hématite, amfibole, saphir, zircon, kyanite, titanite.

D'une étagère, il prélève un petit rocher constellé des grenats incrustés, le top départ de la visite est donnée.  Avant d’aller à la mine, mon contact me propose un casque de chantier.  Vissé sur la tête, nous voilà parti à la conquête du monticule de terre pour arriver ensuite à l'entrée de l'usine de traitement au sommet.

Ici, les camions arrivent et déchargent la terre pour être lavée. Puis, par une suite de traitements mécaniques, tapis roulants, grands tambours, tamis, extraient par graviter  les grenats. Ils termineront leur course dans un bassin d'eau qui achève le processus du traitement de l'extraction minière.

Les rejets sont expulsés à l'extérieur du bâtiment tout comme l'eau, récupérée dans un bassin.

Douze personnes travaillent dans la mine de six heures à dix huit heures, pour une production d'environ trois kilos par jour. Je vois au loin des tractopelles qui s'activent, pour des raisons de sécurité, je n’aurai pas accès à la mine.

Je n’abandonne pas pour autant. Mon côté « chasseur de pierres » reprends le dessus. J’écume les environs dans l’espoir de trouver la perle rare, sans illusion mais avec un rien d’espoir, sinon à quoi bon être venu jusqu’ ici ! Je fouille, remue, inspecte, peut être des petits bruts égarés ! Mais rien. Je regarde dans le ruisseau proche, sans résultat.

Le passionné que je suis n’abandonne jamais.

Sur le chemin du retour, je passe devant un tas de terre. Une maison est en construction à quelques mètres, les fondations sortent juste de terre. Je sais que le grenat se trouve à environ sept mètres de profondeur, et qu'il nécessite de retirer la couche supérieure du sol pour atteindre la gemme qui dépasse rarement huit millimètres de diamètre. Il n'y a personne autour du chantier, je tente ma chance. Je commence à fouiller la terre avec la main et à scruter le sol à la recherche du graal. C'est alors que dans cette terre sèche apparait un point rouge sang au moment ou un rayon de soleil surgit. Je viens de trouver mon premier grenat de bohème. Un moment magique ! Ma recherche se poursuivit encore quelques minutes et ma collection s'enrichie. Je trouve huit bruts pour un carat cinquante dont un  de quatre vingt centième.

Je ne m'attarde pas d'avantage, de crainte de rater mon train de  retour,  pour Prague.

Le lendemain, je reprends la route en direction de la ville de Turnov, à deux heures trente de train de Prague. Le nom de cette ville est récurant dans mes recherches. C'est ici que sont taillés les grenats extraits par la coopérative qui semble avoir le monopole de l'exploitation de cette pierre.

Une fois sur place, j'apprends que l'art de la taille s'est développé après la guerre Napoléonienne dans cette ville qui deviendra une plaque tournante  de la taille et du commerce des pierres en Europe durant le 18eme siècle jusqu'au 19eme.

A ce jour, une école est toujours active depuis 1884  pour enseigner l'art de la taille et de la bijouterie.

C'est pour cette raison que la coopérative s'est installée à cent kilomètres des mines pour tailler et fabriquer les bijoux. Je n'aurai  pas l'occasion de visiter les ateliers, le musée de la ville me permettra  de compléter mes connaissances.

Le grenat de bohème est de petite taille et de  teinte vermillon très sombre, presque noire.

En discutant avec l'une des vendeuses de bijoux à Prague, j'apprends qu'il n'est pas rare de trouver des grenats de Turquie vendus pour des grenats de bohème et qu'une partie des bijoux visibles en vitrine, beaucoup sont faits en Pologne, en particulier pour les pièces avec de l'ambre.

Une bonne partie des magasins touristique de Prague n’hésitent pas à tromper leurs clients. La stratégie consiste à acheter à la coopérative quelques grenats véritables afin de pouvoir afficher sur leur devanture qu’ils vendent du vrai grenat de Bohême, mais l’essentiel de leur gamme de produits n’en contient absolument aucun !

Alors si vous allez sur place, regalez vous mais avec prudence ;-)